Après le trek de Torres del Paine, direction la Terre de Feu et Ushuaia, la célèbre ville du bout du monde. Sacré détour mine de rien et premier passage de frontière pour rejoindre une belle région qui a bien plus à offrir qu’on ne le croit !

Le «sachiez-vous» ?
La Terre de Feu tient son appellation non pas des couleurs rouge vif qui parsèment certaines vallées (notre hypothèse de départ) mais de l’arrivée des premiers colons sur l’île qui observèrent de nombreux feux allumés par les différents clans tout le long de la côte !
Sur la route
On s’apprête à quitter Puerto Natales pour un lonnnng trajet jusqu’à Ushuaia. On fait donc un peu de ravitaillement ; bien nous en a pris au vu des tarifs qu’on découvrira côté argentin. Plus qu’à faire le plein de carburant. En Amérique latine (du moins, Chili et Argentine jusque-là) un agent s’occupe de remplir le réservoir. On arrête le moteur, on lui indique le type de carburant souhaité, on ouvre la trappe et… et la trappe ne s’est pas ouverte, donc il décide de tirer dessus de toutes ses forces et casse le système de fermeture !
Le type n’en a rien à faire, il ne daigne même pas trouver un vulgaire morceau de scotch pour que ça tienne et menace d’appeler la police. Une journée qui s’annonçait si bien… Allez on s’en va avant de s’énerver pour rien et on débute une interminable traversée de la pampa,. A l’intérieur de la voiture, il fait trop chaud. A l’extérieur, il fait trop froid. Le vent nous pousse sur l’autre voie et on craint de passer sous un camion à chaque fois que l’on en croise un. De temps en temps, on maugrée encore de la nonchalance du type de la station.
Tandis que l’on guette l’horizon avec l’espoir d’apercevoir un quelconque mammifère marin, on croise une très ancienne estancia en ruine en bord de route. A l’intérieur, outre les déchets jetés par les gens, des tonnes de laine et restes de moutons sont encore présents. On peut pénétrer dans certains bâtiments, un peu glauques, on retrouve la partie pour garder les bêtes, l’abattage, le matériel… même l’administration ! On s’imagine tout ce beau monde à l’époque. Plus loin, 2 navires échoués sur la plage viennent compléter la fresque historique. Des panneaux explicatifs permettent de mieux comprendre ces vestiges du passé.


On avait considéré le ferry depuis Punta Arenas vers Porvenir mais le prix avec le véhicule (+100€) nous a rebuté. Nous renonçons au détour pour aller prendre le bac au nord de la Terre de Feu à Punta Delgada, bien moins onéreux (une vingtaine d’euros). On attendra longuement au départ, près de 2 heures pendant lesquelles on voit moult camions embarquer avant nous. Finalement on parvient à la nuit tombée sur l’île et on se pose en bord de route. Pas bien sexy mais il n’y aura plus de passage dès lors que les ferrys s’arrêteront de circuler. Dehors le vent souffle puissamment et il fait très, très froid. On cuisine en troisième vitesse et on se réfugie rapidement au chaud sous la couette !
Le lendemain on trace sur la route en direction de l’Argentine. Les paysages sont monotones : de la pampa et des barbelés à perte de vue. On passe la frontière au poste principal de l’île, le paso San Sebastian. John a quelques ennuis, une vieille anecdote d’un tampon omis sur le passeport des années plus tôt à un poste perdu dans la Puna argentine ; après quelques heures et une amende de 80€ on finit enfin par passer sur le sol argentin, mais la note est salée !
Côté papiers, pas de souci pour notre premier passage de frontière avec le véhicule. On ne sait pas toujours quels documents fournir, mais après une lecture approfondie, ils nous confirment que tout est en règle.
On continue de tracer côté argentin, on ne s’arrête à l’entrée de Rio Grande que pour faire le plein d’essence et on poursuit jusqu’à Tolhuin. Là-bas, derrière la station-service, un magasin vend de nombreux fromages et charcuteries dont les noms nous font rêver après seulement quelques mois : raclette, tomme, morbier… Le prix est plutôt correct, allez on se fait plaisir pour une fois ! Et en effet, si on sera assez déçu du morbier, le fromage à raclette lui se révélera très satisfaisant fondu sur des patates arepas de maïs ou sur une tartine de pain grillée à la poêle !
On fait un tour à la boulangerie La Union, connue notamment pour héberger les cyclotouristes depuis de nombreuses années. L’enseigne fait très commerciale mais leur pain est plutôt bon : croustillant et se tient bien (au contraire de beaucoup de « baguettes » argentines). Ensuite direction le lac Fagnano au bord de la ville. On se pose le long de la rive. Quelques voitures passeront pour prendre des photos puis plus rien pour le reste de la nuit.
La suite de la route est bien plus intéressante. On continue de longer le Fagnano, on découvre le lago Escondido (« caché ») et on retrouve des montagnes à partir du paso Garibaldi. On croise ensuite la station de ski du cerro Castor, le départ de la laguna Esmeralda et la vallée de Carbajal au loin, qui nous interpelle par ses couleurs rougeâtres. D’ailleurs on en profite pour identifier quelques lieux possibles de bivouac pour les jours prochains !


Ushuaia
La ville est grande, c’est la plus peuplée de la Terre de Feu, bien qu’on ne s’aventure jamais vraiment hors du centre. On pourrait résumer celui-ci à la promenade le long de la côte (cabanes des tours, port, panneau de fin du monde…) et la rue principale, pleine de boutiques de souvenirs, Duty Free et restaurants hors de prix.
Points d’attention

L’eau (du robinet) à Ushuaia est assez controversée. Elle provient du rio Pipo du parc national et si officiellement elle est potable, beaucoup de personnes sont sujettes à des maux d’estomac lors de leur séjour. D’ailleurs on voit souvent des locaux aller se ravitailler à d’autres sources en bord de route. Il n’y a pas de cas grave, rassurez-vous, mais si jamais vous vous sentez patraque après quelques jours, vous saurez où chercher ! Rien à signaler pour nous, on a bu à tous les râteliers sans souci.
Wifi gratuit et toilettes à l’office de tourisme. C’est vite bondé, on prend une chaise et on profite de charger toutes les infos dont on a besoin ! On peut également tamponner son passeport, plusieurs tampons différents sont en libre-service.
Vous trouverez le fameux panneau Ushuaia au beau milieu des cabanes qui proposent les tours sur le canal, près du port.
Restaurants / bars
Comme souvent, on parcourt la ville pour découvrir les restaurants (et surtout les prix). C’est forcément cher, au vu du contexte économique du pays et surtout de la réputation d’Ushuaia, mais les prix sont quand même un cran au-dessus de ceux observés à Puerto Natales ! On avait lu sur tous les routards qu’il fallait goûter le fameux crabe royal. Eh bien, disons qu’on a préféré éviter de vendre le van pour un seul repas.
On ira partager une pinte au bar Kuar 1900 avec les filles croisées à Torres del Paine, une semaine plus tôt. Plutôt sympathique et tarif décent. On profitera également d’une soirée en compagnie d’autres voyageurs, au programme un burger plutôt bon rapport qualité-prix et une bonne variété de bières au Grut 84. Petit bémol avec la musique assez forte, on ne s’entend pas toujours parler.
Glacier Martial
6km, 520D+
2h effectives
L’une des randos les plus prisées, elle mène au glacier qui surplombe l’ancienne station de ski. Située juste au-dessus d’Ushuaia, elle se rejoint rapidement, sinon un sentier permet de suivre la route à pied. Pas de chance, on tombe en plein milieu d’une course, le trail de la fin del mundo. Forcément encore plus de monde que d’habitude mais on voulait une petite rando pour le matin car on a rendez-vous pour un tour de bateau l’après-midi. La montée se fait sur un chemin ou directement par l’ancienne piste de ski. Ça monte progressivement. Plus haut, un sentier relativement court part sur la droite pour offrir des vues sur la baie d’Ushuaia tandis que le sentier principal continue de progresser jusqu’au mirador du glacier. Malheureusement pour nous, le temps n’est pas au rendez-vous, c’est très brumeux, on ne voit pas à 10 mètres, et les récentes chutes de neige ont recouvert le sentier et sans doute le glacier, on ne verra rien non plus depuis le mirador. On ne saurait pas vous dire si cela vaut le coup ! En revanche les vues sur la vallée à la redescente sont très appréciables, avec Ushuaia et le canal en toile de fond. Finalement une rando plutôt facile (avec un peu de déniv) et accessible pour apprécier la baie.


Tour sur le canal Beagle
L’incontournable, d’autant si on ne fait pas de rando, pour apprécier la baie et les environs. Près du port et du fameux panneau de fin du monde où se relaient les touristes pour prendre des selfies, vous trouverez toutes les cabanes qui proposent des excursions sur le canal. A vous de faire le tour pour comparer les prix et activités. La balade classique consiste à rejoindre le phare Les Eclaireurs (nom français car suggéré à l’époque par un compatriote) en observant les nombreux petits îlots au centre du canal et en général une promenade sur l’une d’entre elles. D’autres proposent d’observer les manchots à certaines périodes (ce n’était pas le cas début décembre) ou encore de traverser pour Puerto Williams au Chili (ce qui est très onéreux).

On choisit de partir avec Tres Maria. Camille, emplie de nostalgie, avait apprécié la prestation il y a quelques années. Ce n’est pas le moins cher (95€/p) mais la traversée se fait sur un voilier au contraire des autres compagnies et dure près de 4h. Le personnel est en effet très pro, sympathique et disponible. Sur la route mer, le capitaine nous présente la carte du canal et ce que nous allons faire. Il nous décrit les espèces d’oiseaux et mammifères qui peuplent les îlots. On contourne le phare des éclaireurs, près duquel se repaissent des phoques et même des loups de mer, bien plus imposants ! Certains rochers sont blanchis par les déjections des oiseaux. Les cormorans sont présents par milliers, de loin on dirait presque de petits manchots. Les nids sont conservées d’années en années, parfois même entre plusieurs générations d’oiseaux ; ils sont tous espacés d’une certaine distance réglementaire.
Le temps s’est bien levé depuis ce matin au Martial, on peut contempler les montagnes qui bordent le canal, on aperçoit aussi le côté chilien et les dents de Navarino, autour desquelles un trek de 4 jours existe, à condition de payer le trajet jusque là-bas…



En cours de route, petit goûter avec un alfajor industriel et on découvre le café agrémenté de liqueur de manjar/dulce de leche (confiture de lait). C’est… particulier, un peu dans la veine d’un Irish Coffee. A vrai dire c’est vite écœurant, ça va que la mer n’est pas déchaînée.
On s’arrête pour faire un tour sur l’île H sur laquelle la compagnie a l’exclusivité. A priori chaque compagnie qui propose une marche a une île associée sur laquelle elle seule peut accoster, ça permet de mieux la préserver et d’être seuls dessus, c’est très appréciable. On observe les différentes espèces végétales qui poussent dans ce climat hostile. Le capitaine nous présente un tas de coquilles qui témoigne de la vie des indigènes (les Yamanas) à une certaine époque, qui avaient l’habitude de jeter tous les détritus au même endroit. Le tri sélectif avant l’heure !






Le tour représente un petit budget non négligeable mais offre une belle balade pour apprécier la baie et se reposer avant ou après quelques jours de randonnée.
Prix : 95€ par personne
Parc national Tierra del Fuego
On débarque au parc assez tardivement. Le tour sur le canal s’est terminé tard et on a bu un coup avec 2 françaises rencontrées à Torres. Il est 22h quand on parvient à l’entrée ; personne au guichet, tant pis on poursuit jusqu’au camping du rio Pipo. On aperçoit (c’est l’été, il fait encore jour !) les rails et la gare du train qui parcourt le parc de la Terre de Feu. On ne le fera pas mais on sait que c’est assez onéreux, dommage car ça semble une chouette activité familiale.
Quand on arrive au camping, déjà pas mal de monde en tente ou en van. En termes d’infrastructures, c’est assez sommaire (toilettes sèches, emplacements de barbecue mais pas d’eau, il faut filtrer celle du rio) mais le décor est idyllique.
Cascade rio Pipo
On en profite au matin pour suivre le petit sentier à la cascade qui part du bout du camping. Ce n’est l’objet que de quelques minutes, pas grand-chose à voir, les chiliens ou argentins appellent souvent cascade (salto) ce qu’on considérerait plutôt comme quelques rapides. Celle-ci ne restera pas dans nos mémoires mais elle permet de se dégourdir un peu les jambes.
Pampa Alta
2h prévues
Dans l’autre sens, toujours au départ du camping, on marche jusqu’au début du sentier Pampa Alta, qui traverse le parc verticalement jusqu’à la côte. On observe une flore qu’on commence déjà à bien connaître. Au sommet, la vue est dégagée et permet d’apprécier les environs, dont le Cerro Guanaco, puis on redescend vers la route pour prendre un autre tronçon jusqu’à la baie.
Pas de grand intérêt lorsqu’on est familier de la flore de la région si ce n’est de rejoindre le bord du canal sans passer par la route. Pour le coup on n’aura croisé personne sur l’itinéraire.
Senda costera (sentier côtier)
4h prévues

Clairement le plus joli du parc. Après Pampa Alta, on parvient à la baie Ensenada où affluent les bus de touristes. C’est ici que se situe la fameuse poste du bout du monde qui permet (moyennant un certain tarif) d’envoyer un courrier dans le monde entier avec le tampon fin del mundo. Malheureusement la poste est fermée depuis quelques temps et ne réouvrira peut-être plus (dixit l’office de tourisme).

Les bus repartent déjà après quelques séances photos, ils ne font sans doute que le tour des points de vue. A 40€ l’entrée, ça fait cher les photos !
Au moins on sera tranquille sur le sentier. Celui-ci suit la baie jusqu’à l’ouest du parc. Certaines plages sont très jolies, ça représente une belle balade familiale sur un bon sentier (un peu boueux par endroits). On se pose pour le casse-croûte et voilà qu’on tombe sur la famille Poudre d’Escampette (Julia, Samuel, Esteban et Jarod) qu’on n’avait pas croisée depuis le ferry. C’est l’occasion de discuter et d’échanger les bons plans. Le camping de la lagune Verde est apparemment truffé de moustiques, on restera donc à celui de Pipo ce soir. On les recroisera sans doute un peu plus tard, la Patagonie est un si petit village…



A un certain point, le sentier reprend la route pour rejoindre le centre de visiteurs. On peut alors trouver des bus pour nous ramener à Ushuaia. Pour notre part, on reprend cette route pour rentrer au camping Pipo. C’est long et pas forcément agréable avec les cars qui nous recouvrent de poussière.
A notre sens, c’est la randonnée la plus plaisante du parc. C’est simplement dommage qu’elle ne soit pas en boucle, contraignant à un aller-retour ou à prendre la route (pour les personnes véhiculées).
Hito XXIV
2h prévues

Le lendemain matin, on rejoint l’autre côté du parc pour la rando du Hito. On part du centre de visiteurs en rejoignant en face le sentier qui borde le rio Lapataia, qui s’apparente bien plus à un lac au vu de sa taille. On le suivra jusqu’à la frontière avec le Chili. La balade est plutôt agréable avec de belles vues sur le lac et les montagnes environnantes. On observe aussi pas mal de flore et d’oiseaux sur le chemin. On reconnaît quelques plantes de nos contrées comme gaillet gratteron. C’est le même point de départ pour le cerro Guanaco. Au bout, un panneau indique la fin du sentier et défend de passer la frontière. Comme on est un peu des casse-cous, on le dépassera même de quelques mètres ! Au retour changement radical, des centaines d’appareils photos ont envahi les abords du centre de visiteurs. On se risquera à l’intérieur de celui-ci où un restaurant, une boutique et une galerie d’infos sont disponibles, mais on peine presque à circuler tant c’est bondé. Tant pis !
Le sentier en aller-retour est un peu longuet mais offre de belles vues. On nous a conté que par temps calme, le fleuve offre un superbe effet miroir.


Cerro Guanaco
4h prévues
Le point culminant du parc et la seule randonnée qui prend un peu de hauteur. Malheureusement, mi-décembre, le sentier était encore fermé. Nous ne sommes pas parvenus à glaner d’infos à l’office de tourisme (décidément pas au courant de grand-chose). En tout cas, le sentier est resté officiellement fermé jusqu’environ la mi-janvier. On ne l’a pas pris en pensant qu’il y avait peut-être des raisons autres que l’état du sentier mais si on avait su qu’il ouvrirait quelques temps plus tard, on s’y serait certainement engouffré. Là-haut les vues sur la baie doivent être splendides et il n’y avait pas un seul tas de neige à l’horizon en décembre.
Baie de Lapataia
Au bout du parc, quelques petits sentiers existent ; ils serpentent tous autour de la route, qu’il faut franchir à plusieurs reprises. De plus c’est en aller-retour pour une bonne partie. On a bien moins apprécié cette portion, notamment au vu du monde. Ce sera plus intéressant pour ceux qui ont commencé à suivre la côte initialement à la poste et qui prennent le car de retour à Lapataia.
On y trouve le panneau de fin de la route nationale n°3. Derrière, un mirador et un sentier (de la baliza) avec quelques jolies vues et pour le coup bien plus tranquille.




Notre avis
On a trouvé le parc sympatoche, sans plus. Le sentier côtier est de loin le plus intéressant. En dehors, cela représente une sacrée somme pour ce que c’est et l’affluence en haute période est énorme. Les environs d’Ushuaia nous ont paru bien plus intéressants tout en restant gratuits.
Liste des sentiers : https://www.argentina.gob.ar/parquesnacionales/patagonia-austral/senderos-del-parque-nacional-tierra-del-fuego
Prix : 40€ par personne
Laguna Esmeralda
9km, 220D+
5h prévues
C’est la randonnée la plus prisée de la région et on comprend vite pourquoi. Aisément accessible, peu de distance et peu de dénivelé, c’est la rando familiale par excellence. Et elle est plutôt chouette !
Sur le parking, on fait connaissance avec les « Haricots en vadrouille » (Noé, Thibault, Gustave et la petite Suzanne), une famille qui voyage en 4×4 (John s’écriera « c’est ça que je voulais ! »). Ils font un peu le chemin inverse et remonteront bientôt la Carretera Austral. On discutera pendant toute la balade, ce qui explique que nous n’avons aucune idée du temps écoulé !
Le départ se fait à travers les bois, ce n’est pas toujours évident de trouver le bon chemin tant il y en a de différents. La vallée est belle, parcourue de rivières où on aperçoit de grands barrages de castors. Des panneaux semblent signaler la piste de ski de fond l’hiver. La rando traîne une sale réputation sur la qualité du sentier, réputé très boueux. Oui ça l’est par endroits, notamment s’il a plu les jours précédents. Cela dit avec de bonnes chaussures, des bâtons pour s’équilibrer, rien d’affolant, on a vu bien pire ailleurs. Il y a pas mal de monde sur le chemin et bien d’autres en train de déjeuner autour de la lagune quand on y parvient. Elle est jolie, aux couleurs verdoyantes.






On laisse les Haricots et on part faire le tour pour l’apprécier sous d’autres points de vue. Au bout, on commence à prendre de la hauteur en direction du glacier Ojos del albino. L’itinéraire n’existe pas sur le topo, mais on arrive à suivre les traces, qui plus est du monde nous précède. Mais Camille n’est pas dedans, elle traîne un truc depuis quelques jours et elle peine dans la montée. Elle préfère s’arrêter à mi-chemin. La vue est déjà superbe sur la lagune et la vallée derrière. John continue dans la neige à la recherche du glacier, peut-être sur le replat qu’on observe. Ça monte raide, c’est un mélange de neige, sable et rochers. Finalement ça continue et il faut remonter dans la neige. Avec le retour derrière, ça fera bientôt une heure que Camille attend en plein vent. Tant pis pour le glacier, John redescend. On termine le tour du lac et on prend le chemin de retour. Il y en a suffisamment pour avoir l’impression de faire une boucle. D’autres amis sont montés au glacier et nous ont vanté la beauté du lieu. Un grand cirque enneigé duquel émerge le glacier, tel un œil. Comptez sans doute la journée pour l’aller-retour.

Laguna Turquesa
4km, 330D+
3h prévues, 2h effectives
On a traîné plus que prévu à la laguna Esmeralda, mais un planning reste un planning, direction la Turquesa pour la fin de cette journée. Le départ est situé non loin de la première, de l’autre côté de la route. Le topo indique directement la couleur : 350 de D+ sur à peine 2km, ça grimpe sec jusqu’à la lagune, notamment la première partie dans les bois. Camille galère mais elle va un peu mieux que ce matin, ou elle est juste pressée de rentrer. Ensuite, c’est boueux à souhait dans une seconde partie où coulent de nombreux ruisseaux. A l’arrivée une petite lagune d’altitude, rien de mirobolant. On prendra un peu de hauteur pour observer les environs : la petite vallée cachée à l’est, en face la laguna Turquesa et la flamboyante vallée Carbajal.

Après cette bonne journée, on retrouve les Haricots au bar et on fait la connaissance des « Sacs à deux » ‘(Juliette et Pierre), qui voyagent en stop !
Glacier Vinciguerra et laguna de los tempanos
14km, 350D+
8h prévues, 3h30 effectives
Départ depuis le nord de la ville, à environ 10 minutes du centre en véhicule. On parvient à se garer au départ, il n’y a pas non plus pléthore d’espace. Il est 9h, on voit déjà les taxis décharger les randonneurs. La première partie suit une belle vallée humide où serpente la rivière.

L’ascension commence dans les bois, ça monte progressivement, un peu de boue par endroits. On croise une bifurcation pour monter à la laguna Encantada (ce qu’on ne fera pas). Quand on parvient à la laguna de los Tempanos, la vue est sublime. Elle est en cours de dégel, encore recouverte par endroits d’une fine couche de glace sur laquelle se risquent quelques oiseaux. Elle offre de belles teintes bleutées à cette époque.


On fait le tour pour rejoindre le glacier qui descend jusqu’à nos pieds. C’est la première fois qu’on s’en rapproche autant, jusqu’à pouvoir même le toucher. Une petite cavité creusée (à vos risques et périls) permet de s’engouffrer d’autres couleurs et textures de la glace. De l’eau ruisselle par endroits, une crevasse de plusieurs mètres s’observe au bord du sentier, tout juste marquée d’un bout de bois.
Il y a quelques groupes, chacun veut ses photos avec le glacier et attend que les autres libèrent l’espace. Nous également, on s’assoit face au glacier et on partage le maté en guettant le moment propice. Une bonne partie est encore sous la neige, on essaie d’imaginer l’envergure totale du glacier.



La redescente n’est guère plus rapide que l’aller, pour la boue d’une part, et pour les nombreuses personnes qui montent en début d’après-midi, beaucoup de brésiliens d’ailleurs, qui ne sont pas les plus cordiaux sur un sentier. On a grandement apprécié la randonnée, qui ne nous aura pris guère plus d’une demi-journée. Pouvoir s’approcher autant d’un glacier est suffisamment rare pour être souligné. On la recommande en priorité par rapport au glacier Martial.
Sendero del caminante
24km, 1400D+
10h prévues / 8h effectives
Réveil au camping municipal, toujours aussi glauque, cela dit on a bien dormi. P’tit déj salé : œufs brouillés, poêlée de légumes, fromage. Petite touche sucrée avec du postre de mani, une barre de pâte de cacahuète très (trop) sucrée et hypercalorique.

Le camping est sur la route d’accès à la rando. On se rapproche jusqu’au point de départ, identique à celui du Vinciguerra la veille. On bifurque rapidement sur le sentier Caminante, marqué par un panneau d’interdiction. On s’est renseigné au préalable à l’office de tourisme ; la zone appartient au parc de la TDF et le parc n’a pas communiqué sur les raisons de la clôture du sentier. Une rumeur évoque un accident survenu quelques années auparavant après qu’un randonneur ait imprudemment pénétré au sein d’un glacier. Serait-ce lié ? On décide de tenter le coup cette fois.
La première moitié du sentier est intégralement dans les bois, le long de la rivière qu’on croise à diverses reprises via des ponts en bon état. Le chemin, bien tracé et bien balisé (bien mieux que d’autres sentiers ouverts), est très roulant pendant plusieurs heures. On joue tout de même les équilibristes à quelques reprises sur un terrain boueux et glissant.
Quelques clairières offrent des vues sur les montagnes alentours. On discerne le glacier Vinciguerra au loin. Plus tard, c’est un paysage dévasté qui s’offre à nous ; des arbres immergés gisent par centaines, sans doute le résultat d’un barrage de castors plus haut dans la vallée. Les troncs gris se reflètent sur l’eau calme de ce lac façonné par les castors.


Au bout de la vallée, le chemin se fait plus vallonné puis on prend la direction du col. Les lacets s’enchaînent, ça monte sec ! Dans les bois on croise une petite cascade à gauche du chemin, sacré débit.
Peu avant l’intersection pour se rendre aux lagunes, le sol apparaît détrempé, nos chaussures hautes et bâtons de fortune glanés sur le chemin ne sont pas de trop. On croise un randonneur dépité qui vide comme il peut la boue de ses chaussures.
On quitte le chemin principal pour rejoindre les lagunes. Bonne grimpette au bord d’une prairie fleurie, on se retourne à plusieurs reprises pour profiter de la vue sur la vallée d’Andorra. Là-haut apparaît alors la lagune del caminante, grande, turquoise, magnifique. Un point de bivouac rêvé existe au bord de la lagune.

On poursuit jusqu’à la lagune supérieure. Le sentier se fait plus ténu, longe puis traverse le ruisseau. On commence à avoir l’habitude ; on troque les chaussures pour les tongs, hausse le pantalon et on traverse les eaux glacées puis quelques névés. De petits cactus poussent dans ces zones arides battues par les vents, attention aux pieds ! Si la lagune est clairement moins colorée que la première, les alentours restent splendides. De nombreux oiseaux se reposent, de fines cascades s’écoulent sur les côtés et un duo de condors nous offre un ballet aérien.


Évidemment, le moment choisi pour pique-niquer correspond à un brusque changement de météo. Le soleil étincelant au matin a laissé place à un ciel menaçant, les rafales de vent débarquent soudainement et la pluie s’abat sur nous. On avale comme on peut les sandwichs tout juste préparés et on se remet en route. 5 minutes plus tard, le soleil est de retour. Ah la Patagonie…
De retour à la bifurcation, on reprend la direction du col. Ça grimpe dur sur un sentier toujours boueux. Le décor devient plus minéral, très rocailleux, on marche sur de l’ardoise. Au paso de la oveja, à peine marqué d’un modeste cairn, se découvre la vallée par laquelle on redescendra à Ushuaia. Au loin on aperçoit le canal quand sur les flancs de la vallée s’écoulent des ruisseaux éternels, tel un fjord.


Assez vite, on quitte le chemin sur la droite pour rejoindre la dénommée Cueva de Jimbo. Un petit cairn marque le croisement mais on pourrait le manquer sans un minimum d’attention. Plus loin, on croise un panneau interdisant formellement le passage au nom du parc de la TDF. Après une courte mais raide grimpette dans la rocaille, on commence à entrevoir l’objet du détour. Quelques mètres plus tard, au pied de l’immense casse minérale, s’entremêlent glace et sédiments dans une spirale de strates bleutées, formant alors un fabuleux tunnel marbré à travers le glacier. Improbable et formidable.



Des chutes de roches surviennent régulièrement à l’entrée de la cavité, dissuadant toute entrée dans celui-ci. Qu’importe, on s’assoit face à lui et on contemple cette œuvre éphémère forgée par le temps et les éléments.
Retour à la réalité, le temps passe et l’orage se prépare, à nouveau. On revient rapidement sur nos pas et l’on entame la suite du chemin tandis que le vent et la pluie s’abattent sur nous pour de longues minutes. La fin de la rando est longuette ; trempés, transis, on est pressé d’arriver. On profite tout de même de la splendide vue sur le canal de Beagle offerte par les derniers kilomètres, puis un Uber nous ramène au point de départ où l’on a laissé le véhicule. On peut rejoindre des amis pour un apéro (et une douche !) mérité après cette superbe journée.
D’un avis commun, le sentier del caminante représente à nos yeux la rando (sur une journée) la plus complète autour d’Ushuaia : physique, rude, impressionnante, elle ne vous laissera pas indifférent.
Update
Alors même que nous achevions la rédaction de ses lignes, nous avons appris l’effondrement de la grotte, un matin de janvier 2025… C’est un curieux sentiment qui nous a envahis. Une forme de soulagement d’avoir pu en profiter avant sa disparition et bien sûr la profonde tristesse de voir disparaître cette merveille. C’est un nouveau témoignage de la fragilité et du caractère éphémère de ces formations géologiques. Le temps et les éléments l’avaient forgée, ce sont eux qui l’ont réduite à un vulgaire amas de glace. Profitons et protégeons ces œuvres uniques tant qu’il est encore temps…
Autres randos
Bien qu’on soit resté une bonne semaine dans le coin, nous aurions aisément pu passer des jours supplémentaires. Nous avions notamment en tête quelques idées :
- Vallée de Carbajal : on l’aperçoit depuis la route pour se rendre à Ushuaia, c’est une grande vallée située après la laguna Esmeralda. 2 miradors existent sur la route. On ne trouve guère d’infos sur cette vallée mais un sentier existe bien sur les topos. Sans doute boueux au vu des environs. Une boucle sur plusieurs jours existe avec quelques points de bivouac non officiels, vous êtes sûrs de n’y croiser quasi personne.
- Estancia Túnel y Río Encajonado : si on a dormi au bord du sentier, nous n’avons pas eu le temps de nous y aventurer. On nous en a dit du bien, il offre de belles vues sur le canal et n’est pas trop long. Le sentier semble se terminer à l’Estancia Tunel.
- Cerro del Medio et Laguna Margot : une autre rando au départ d’Ushuaia qu’avait réalisée Camille à sa venue il y a quelques années. Elle offre un beau panorama de la ville.
Spots de bivouac
Sur la route d’Ushuaia, au bord du lac Fagnano à Tolhuin : calme, exposé au vent, avec une superbe vue sur le lac. Quelques voitures qui passent observer le lac, plus rien dans la nuit.
Sur la côte à l’est d’Ushuaia : calme la nuit, exposé, très belle vue sur le canal Beagle. On s’est posé une fois au fond, avant le sentier de rando, et on a été réveillé par des hordes de randonneurs au matin. On a dormi 2 autres fois sur un autre parking sur le chemin, équipé de toilettes sèches. Beaucoup plus calme. Pas d’eau néanmoins.
Au camping municipal, pour être à l’abri une nuit où la météo annonçait de sacrées rafales. C’est un peu glauque, des détritus un peu partout, pas un chat. Pas de toilettes pas d’eau. Au moins c’est gratuit et proche du départ de certaines randos (Caminante, Vinciguerra).
Sur la route entre Ushuaia et la laguna Esmeralda, au bord du rio Olivia. Il y a de nombreux foyers de barbecue, et on peut se cacher un petit peu de la route. Un peu exposé mais très tranquille. On a essayé de faire le tour pour s’éloigner encore plus, mais le chemin était chaotique. De l’autre côté de la route, des locaux viennent récolter l’eau qui s’écoule, potable.
On a aimé
- Les environs d’Ushuaia, variés, qui offrent de très belles randonnées
- Le canal de Beagle
- Les lieux de bivouac nombreux et tranquilles
- L’essence la moins chère qu’on ait pu trouver au Chili/Argentine ! On a ouï dire qu’ils l’extraient non loin de là-bas et/ou qu’il n’est pas taxé. Profitez-en pour faire des stocks !
On a moins aimé
- Pour John, le côté bling-bling de la ville et le manque d’identité culturelle
- Les prix parfois excessifs (restaurants, parc national, tours sur le canal…)
- Le parc national de la Terre de Feu
Bilan
Les avis sont partagés de notre côté. Camille avait adoré la ville à son premier passage il y a plusieurs années. Si elle est moins dithyrambique cette fois, elle apprécie toujours l’ambiance qui règne sur la ville. La première fois, c’était en novembre, avant le début de la saison estivale, peut-être que l’expérience était différente. John est clairement plus réservé, c’est devenu une vitrine touristique bondée aux prix exorbitants.
On s’accorde néanmoins sur les environs qui offrent de très belles randonnées, nous y avons passé une bonne semaine et on aurait aisément pu y séjourner davantage (au sud de la Terre de Feu).
Au final, on conseille clairement le détour (conséquent tout de même). Passé le statut clinquant de « fin du monde » (servi à toutes les sauces) qui saura peut-être en satisfaire certains, Ushuaia et de manière générale la Terre de Feu, offrent de vraies découvertes à ceux qui sauront sortir des sentiers battus.