Finie la Patagonie, adieu glaciers, guanacos et interminable pampa, nous attaquons la deuxième moitié de la cordillère argentine, celle du nord. Cet article traite de notre remontée à partir de Mendoza jusqu’à la province de Tucuman, au travers de la précordillère. C’est une zone souvent méconnue qui se parcourt difficilement sans son propre moyen de locomotion.
Mendoza
On ne présente plus la capitale du vin argentin, célèbre pour ses vins rouges : malbec, syrah, carménère…
Nous devons retrouver nos compagnons en sac à dos avec qui l’on a prévu de faire le tour des bodegas (vignobles). Si on se serait bien attardés quelques jours de plus à Valle Hermoso, on doit mettre les voiles pour arriver à temps.
On fait l’impasse sur le Canyon del Atuel et San Rafael, de même que la Laguna Diamante qui demanderait un détour conséquent. D’ailleurs on croise les copains sur la route pour Mendoza, le monde est décidément bien petit.
On s’arrête en périphérie, sur le parking d’une chapelle perchée sur une colline. La voiture fait des siennes pendant la nuit, l’alarme se déclenche toutes les 5 minutes sans raison apparente. Après une longue lutte, on est contraint à laisser le véhicule ouvert pour la nuit, ce qu’on évite généralement à proximité des agglomérations.
Tour des vignobles
Au matin direction Maipu en bordure de Mendoza où coexistent de nombreuses bodegas. On a prévu de louer les vélos à Maipu Bikes. Le prix (14000p) inclut la location du vélo, des réductions dans plusieurs bodegas et l’apéro en fin de journée.
On prend les devants et on se rend à la station-service YPF située à quelques mètres pour demander si l’on peut passer la nuit sur le parking. Après une bonne journée de dégustations, il vaut mieux éviter de prendre la route, d’autant que c’est tolérance zéro en Argentine et que les contrôles sont fréquents. Le manager nous confirme qu’il n’y a aucun problème et nous montre les emplacements réservés aux employés, un peu plus à l’écart de la route. Parfait, on peut désormais se concentrer pleinement sur notre journée !
Pas l’temps de niaiser, on arrive à l’ouverture et on récupère nos montures du jour. Ils nous fournissent une carte avec les différentes bodegas accessibles sur la route. Alors on s’y attendait, ce ne sont pas nos petits chemins au milieu des vignes du Beaujolais, on roule en réalité en ville le long d’une route particulièrement fréquentée. La piste cyclable est tantôt occupée par des véhicules à l’arrêt, tantôt inexistante, mais il n’y pas beaucoup de distance à parcourir pour rejoindre les premières bodegas.
On arrive au premier domaine, celui de Tempus Alba. Le bâtiment est moderne, classieux, entouré de vignes. La visite se fait en autonomie, avec quelques panneaux explicatifs, puis on passe à ce qui nous intéresse tous, la dégustation sur la terrasse. Dans la gamme d’entrée, on a le choix entre 8 vins différents. La dégustation à 7500p comprend 4 verres et de quoi grignoter, focaccia et tapenade. A 2, on décide de se partager les 8 vins pour goûter les différents cépages. Les avis sont unanimes, et si chacun a ses préférences, la dégustation est excellente ! Ce sera notre bodega préférée de la journée.




Direction El Cerno maintenant, juste en face. Même principe. Cette fois les vins ne sont guère à notre goût et les verres peu généreux. L’ensemble fait plus rustique et les prix sont légèrement inférieurs au précédent vignoble : 6000p.
Mine de rien, le temps passe et on commence déjà à reprendre la route retour pour profiter d’une dégustation à Entre Olivos, croisé ce matin à l’aller. Ici pas de visite, il n’y a que la boutique à disposition. La dégustation inclut plusieurs huiles d’olive plus ou moins fortes en goût, tapenades… et un verre de vin pour 5000p. Si les quantités sont assez restreintes, l’accueil est agréable et les produits de très bonne qualité.

C’est bientôt l’heure de l’apéro alors on reprend la route. A peine arrivé, on nous invite à prendre place à table et des pichets sont disposés de touts parts. Le « happy hour » dure 1h et le vin est à volonté, ça va qu’on ne dort pas bien loin !
On aura passé au final un bon moment de détente, partagé avec des compagnons de voyage. Les vins et bodegas ne se valent pas toutes et restent très touristiques, on est loin de notre expérience dans la vallée du Colchagua au Chili. Cela dit certains domaines, bien plus onéreux, offrent des expériences bien plus chics avec des vins reconnus mondialement. Il y en a pour tous les goûts et tous les budgets.
Ville
Pour la première fois du voyage, on décide de se poser quelques jours pour se reposer et profiter un peu de la ville. Cela s’explique aussi par les prix des logements bien inférieurs à ceux qu’on pouvait trouver en Patagonie. On trouve un airbnb un peu en retrait du centre avec garage, une machine à laver et surtout… un four ! Dans les faits, le four ne marche pas, les robinets fuient de partout et on passera l’après-midi à trouver comment mettre l’eau chaude… Mais c’est reposant de se sentir chez soi.
C’est aussi l’occasion de faire le plein de films/séries et de tracer l’itinéraire pour les prochaines semaines. On parvient enfin à faire tourner le four, à nous quiches et lasagnes ! Au matin ce sera des crêpes, on va définitivement avoir du mal à repartir.
Entre 2 siestes, on part arpenter le centre-ville. Ce qui marque, ce sont les nombreux arbres qui peuplent les rues et les préservent de la chaleur extérieure. Dans le centre, ça grouille de vie, ça faisait longtemps qu’on n’avait pas vu ça, sans doute pas depuis Santiago. Il y a des commerces partout, des restaurants et beaucoup de petites places. On fait le tour de chacune (Plaza Italia, Espana, Independancia…) et on prend le temps de s’imprégner de l’atmosphère. C’est plaisant de pouvoir flâner dans les rues, de voir un peu de vie et d’agitation après de longs mois d’itinérance. On se sent bien ici !

Derrière la place principale, on peut prendre un café à El Faro, en haut de la Premium Tower pour profiter de la vue sur la ville. On fait un tour au mercado central, qui semble assez touristique et les prix particulièrement élevés. On se régale quand même avec un pancho géant, le pendant du completo chilien, garni de fines frites croustillantes.
Le centre ne représente pas non plus un grand intérêt à notre sens, en dehors des petites places qu’il abrite. On suit la rue Aristides Villanueva et ses nombreux bars pour se rendre au parc General San Martin. Il est immense, entrecoupé de rues et pistes cyclables. On erre un peu, on fait le tour du grand bassin. Il y a beaucoup de monde, des familles qui viennent se balader, des personnes qui font leur footing, des évènements de parts et d’autres. C’est un véritable poumon au sein de l’agglomération.



Les prix restent conséquents pour l’Amérique du Sud mais sont considérablement plus bas qu’en Patagonie. On profite des spécialités locales avec un cocktail fernet coca et une soirée dans un restaurant plutôt chic, Estancia La Pasion, où l’on dégustera un bife de chorizo , pièce de bœuf ultra-tendre, et un matahambre, une viande cuite couverte de sauce tomate et de fromage (toujours plus), évidemment cuits à la parilla (« barbecue ») !



Départ de Mendoza
Les vacances se terminent, on peaufine les derniers détails de l’itinéraire qui nous mènera au nord jusqu’à la province de Catamarca et les hauts-plateaux de la Puna. On ne fera pas le détour par le parc provincial de l’Aconcagua, dont on juge l’entrée pour 1 jour trop onéreuse (~20€) et on bifurquera à Uspallata pour suivre la pré-Cordillère.
On passe par l’Embalse Potrerillos, une immense retenue d’eau le long du rio Mendoza aux merveilleuses teintes bleutées où se pratiquent des sports de voile et où bien des argentins doivent posséder de luxueuses résidences secondaires.


Après un arrêt déjeuner, on reprend la route pour le village d’Uspallata, au milieu d’une belle vallée montagneuse. C’est ici que nous quittons la route du paso Libertadores vers le Chili pour la route nationale 149 en direction du nord.



Depuis Uspallata, on fait un léger détour (20km AR) vers le cerro Siete Colores, une belle colline aux différentes teintes. C’est gratuit et la piste est en bon état. C’est moins le cas pour la suite qui permet de rallier Mendoza et qui serait plutôt à conseiller à des véhicules tout terrain.



Parc national El Leoncito

La route qui remonte à Barreal se transforme soudainement en grand champ de cailloux pour bien 40km avant que l’on retrouve une vraie route pavée. La piste qui mène ensuite au parc est en bon état.
On remplit le registre à notre arrivée et on se pose dans le camping gratuit à disposition. Il est assez sommaire mais offre quelques emplacements, tables, barbecues abrités par de grands saules. Il dispose également de douche chaude (tips fortement recommandé) ! On en profite allègrement et on dîne avant de monter à l’observatoire.
Observatoires
La zone est un lieu privilégié pour l’observation des étoiles par l’absence de pollution lumineuse alentour. 2 observatoires existent et proposent des visites : le CESCO et CASLEO. Nous avons rendez-vous au second pour une visite nocturne (réservation obligatoire). Malheureusement à notre arrivée le ciel est couvert et la visite en suspens, nous attendons une demi-heure supplémentaire mais les nuages persistent et la visite est finalement annulée. Ce sont les aléas de la météo, nous aurons d’autres opportunités plus tard, peut-être du côté de San Pedro de Atacama au Chili.

Prix visite CESCO : 15 000/p
Parc
Le lendemain on décide quand même de s’aventurer un peu sur les rares sentiers du parc, histoire de ne pas avoir fait le détour pour rien. Nous nous engageons sur la boucle (8km) du cerro El Leoncito qui est le sommet le plus élevé du parc. Il offre un superbe panorama pour apprécier les reliefs et la vallée. On entrevoit l’impénétrable cordillère de la Ramada au sein de laquelle le cerro Mercedario règne de ses 6770m. La région de la Puna approche à grands pas !

Le parcours est extrêmement sec et exposé, pas un seul arbre pour se mettre à l’abri, il vaut mieux ne pas le parcourir en cours de journée. En chemin, on aperçoit les télescopes des 2 observatoires.

On parvient au sommet, à 2519m, qui offre des vues superbes sur les alentours secs et arides, marqués par une infinité de collines de roche.



Au retour on en profite pour suivre le sentier qui mène à une petite cascade. Pas un grand intérêt mais on observe de nombreux petits rongeurs qui détalent à notre passage. Le canyon creusé par les eaux de la rivière offre également de belles formes et est particulièrement haut, on imagine bien les dangereux torrents qui peuvent se former brusquement en cas d’intempéries.



On quitte le parc et on traverse la route nationale pour accéder à la Pampa del Leoncito, un désert de terre craquelée où certains proposent de faire de la caravelle, ces chars à voile propulsés par le vent. On peut aussi rouler en voiture lorsque le sol est sec, c’est amusant et très photogénique !



Prix : gratuit
Route à Chilecito
On poursuit en passant par Barreal et Calingasta, oasis perdues où la siesta régit les journées. Ici il ne faut pas espérer trouver un commerce ouvert dans l’après-midi. Les contrôles phytosanitaires sont fréquents à l’entrée ou à la sortie des villages. Pour le coup on nous laisse passer lorsque nous annonçons venir de Mendoza, cela doit concerner les voyageurs qui viennent du nord : fruits, légumes…
Après Barreal, une petite boucle sur une piste très correcte permet d’observer des collines colorées, très similaires à celles observées près de Uspallata. On croise également de petites mines abandonnées, la balade est très sympa et le lieu pourrait faire un chouette bivouac, mais il est encore tôt et il fait très chaud, on reprend la route.






Un peu plus loin, une petite balade permet d’admirer le monument national cerro Alacazar aux belles formes sculptées par les éléments. Toute la route est marquée par de belles colorations ocres des montagnes.




La route qui suit le rio San Juan est désertique. On rêve d’une petite baignade mais l’eau à cette époque est pleine de terre, elle ne nous donne guère envie. Sur la route, on croise quelques spots SOS avec du wifi en cas de nécessité, il faut dire qu’il n’y pas un seul habitant dans cette zone isolée et particulièrement aride. On discerne au loin les quelques estancias par les rares arbres qui les entourent.

Le «sachiez-vous» ?
Une croyance très ancrée dans la région est celle de la Difunta Correa. Vous verrez souvent des sanctuaires en bord de route où les locaux viennent déposer des bouteilles d’eau.

On passe par Rodeo, le Monteynard du coin. Le lac formé par le barrage Cuesta del Viento est un lieu de prédilection pour les sports de voile : kitesurf, planche à voile… Ici le vent est particulièrement puissant, pas sûr qu’un bivouac serait bien agréable malgré les superbes vues et les nombreux spots le long de la rive est.


La route montagneuse qui s’ensuit est impressionnante !



A San José de Jachal, petit village sans grand intérêt, on prend une petite route au nord pour rallier le village de Huaco. Elle traverse un joli canyon et offre de belles vues sur les plaines en redescendant.

Talampaya et Ischigualasto
On traverse successivement le parc provincial de Ischigualasto et le parc national de Talampaya. Ils abritent tous deux de nombreux fossiles de dinosaures ainsi que diverses curiosités géologiques, canyons ocres pour le second ou décors lunaires pour le premier. Ils sont aussi payants et doivent se visiter sous forme de tour guidé, la note s’avère donc relativement salée. On décide de faire l’impasse, on a déjà prévu de nous rendre dans un environnement similaire à Torotoro en Bolivie. Bien sûr, chaque parc est différent mais avec de tels prix, il faut bien faire des choix !
Côté route, celle qui traverse le parc Ischigualasto est très belle, on passe un col au milieu des roches sombres et des cactus, avant de redescendre en plaine en direction du parc Talampaya. Cette fois, la route est désertique et monotone et ne présente aucun intérêt si l’on ne se rend pas au parc.


Entrée Talampaya : 20 000/p
Il faut ensuite ajouter le coût du tour guidé : 57 300/p pour l’expérience classique
Voir le site officiel : https://talampaya.com
Entrée Ischigualasto : 55 000/p
Voir le site officiel : https://www.ischigualasto.gob.ar
Laguna Brava
Cuesta de Miranda



Entre Villa Union et Chilecito, la route passe par la Cuesta de Miranda, superbe paysage ocre garni de grands cactus. Il est possible de se baigner dans plusieurs bassins cachés de la route, de quoi bien se rafraîchir lors d’un après-midi ensoleillé.



On redescend ensuite le long de la gorge du rio Miranda en direction de Chilecito.


Chilecito
A Chilecito, ne manquez pas l’ancienne mine d’or La Mexicana, qui doit son nom au mexicain l’ayant découverte. Si elle a fermé il y exactement un siècle, subsistent les stations construites à l’époque pour transporter le minerai depuis la mine à 4600m au sein du cerro Famatina. La première station au sein de la ville comporte un petit musée (gratuit mais tips clairement imposé !) et la deuxième station, sur les hauteurs, offre une très belle vue et de beaux vestiges du ferrocarril. Celui-ci mesurait près de 35km !



La troisième et quatrième stations nécessitent de remonter une piste et de franchir plusieurs gués. A cette époque, il y a beaucoup d’eau et les formes dessinées par le courant nous laissent penser à de sacrés rochers dans le lit de la rivière, on décide d’en rester là et on va simplement observer la confluence … Ici les eaux chargées en fer rencontrent celles transparentes, légèrement bleutées des neiges sans toutefois se mélanger. Bon, pour nous ce sont plutôt les eaux boueuses mais le lieu reste plaisant.

On peut encore accéder à la mine depuis le village de Famatina au nord par une superbe piste de pur 4×4 comportant de sacrés gués à certaines saisons. Malheureusement, ce ne sera pas pour nous, pas cette fois !
Bilan
Un beau road-trip hors des sentiers battus pour remonter au nord de Mendoza. La végétation disparaît peu à peu au profit de montagnes colorées et salars arides. Le vent refait également son apparition après la Patagonie. C’est une belle région méconnue qui offre nombre de petits points d’intérêt et de splendides bivouacs au beau milieu de nulle part. Un véritable avant-goût des hauts-plateaux de la Puna !