Finie la Terre de Feu, on accède au continent argentin et on part à la rencontre de la réserve Cabo Virgines.

Le «sachiez-vous» ?
Manchot ou pingouin ?
Les hispaniques utilisent le mot « pinguino » quand les anglophones disent « pinguins » pour désigner ce que nous appelons de notre côté… les manchots ! Semant la confusion chez plus de 60 millions de français. En réalité le pingouin comme on l’appelle chez nous, qui est bien différent du manchot, ne correspond qu’à une seule espèce, le petit pingouin, qui ressemble davantage à un macareux (même famille).
On se rappellera que le pingouin vit dans l’hémisphère nord et peut voler quand le manchot vit dans le sud et a perdu sa capacité au vol au fil de l’évolution.
Toutes les espèces observées en Amérique latine (Chiloé, Ushuaia, Péninsule de Valdès…) sont donc des manchots.
Où voir des manchots ?
Camille avait déjà eu la chance de les observer lors d’un précédent voyage en Argentine, à Punta Tumbo. Le détour est long et la péninsule Valdès onéreuse, nous prévoyions déjà de faire l’impasse.
A Chiloé, il était encore trop tôt pour les observer, et on n’appréciait pas forcément le côté touristique du lieu. Ushuaia (canal Beagle), encore trop tôt, et onéreux. Plus cher encore, côté Punta Arenas, où Piratour est la seule agence avec le droit d’accès à l’île et propose depuis peu des tarifs exorbitants.
En Argentine, globalement toute la côte offre des occasions de les croiser. On a entendu parler de Puerto Deseado mais c’est encore bien loin. Dommage car on y trouve aussi des gorfous, avec leur petite mèche blonde qui leur donne tout un style.

On jette notre dévolu sur le parc Monte Leon, un peu perdu dans la pampa et où on se retrouverait souvent seul avec les manchots. Pourtant, un point iOverlander éveille notre attention, juste au-dessus de la Terre de Feu, à la pointe sud-est de l’Argentine, partagée avec le Chili, au niveau du détroit de Magellan. Les commentaires évoquent de nombreux manchots à cette époque. Le détour semble conséquent (300km AR), sur une route à priori chaotique ; on verra se dit-on. D’autres voyageurs nous confient des échos : la réserve serait abandonnée et les manchots légion. Notre rencontre fabuleuse avec les manchots rois est encore dans un coin de notre tête, on ne peut pas laisser passer l’occasion !
Direction Rio Gallegos dans un premier temps par le paso Integracion Austral. Peu après, on fait un arrêt à la laguna Azul, une belle petite lagune dans un cratère de volcan. On dirait un mini-Quilotoa (Equateur), la couleur de l’eau est superbe et le cratère impressionnant. On peut faire le tour, ça ne prend pas bien longtemps, mais le sol est assez sablonneux. Il n’y a pas grand monde, juste 2 camping-cars sur le parking qui ont sans doute passé une nuit tranquille sur place. Un petit complexe semble avoir été abandonné en pleine construction, peut-être était-ce destiné à accueillir les visiteurs voire tarifer l’accès.



On reprend la route et on arrive à Rio Gallegos, ça faisait longtemps qu’on n’avait pas vu une grande ville comme celle-ci. On ne comprend pas tout des panneaux de circulation, la moitié des routes sont bloquées et les argentins roulent de manière assez… dynamique. On fait rapidement quelques emplettes au Carrefour, un Western Union car celui d’El Calafate est souvent vide, et on revient en arrière pour bifurquer sur la route 40 en direction du sud-est. Ce tronçon est le premier de la célèbre route qui traverse toute l’Argentine. Certains (motos notamment) font l’aller-retour sur cette portion uniquement pour atteindre le panneau symbolique du km 0 et y apposer leur sticker, les argentins adorent ça.
La route n’est pas terrible, il y a des passages avec de bons cailloux, mais honnêtement ça passe quand on commence à être familier du ripio de la région. On croise essentiellement des camions citernes sur le chemin, qui sont heureux de nous retourner le bonjour, parfois trop heureux ! Il y a des raffineries, peut-être du forage dans le coin. On croise fréquemment des intersections sans aucun panneau qui doivent y mener.

Les heures passent, le paysage reste le même, de la pampa interminable où les guanacos ont laissé place aux troupeaux de moutons en semi-liberté. Il faut les klaxonner quelques fois pour leur rappeler que la route appartient à tout le monde. Camille croit apercevoir une mouffette à un moment, mais le temps de s’arrêter, plus rien.
Plus loin c’est un tatou qui se montre, cette fois on sort à temps de la voiture et on l’observe serpenter entre les buissons.
Les derniers kilomètres sont en moins bon état, il faut faire attention aux rigoles, non ça ne rigole pas.
Après 3-4 bonnes heures, on arrive enfin sur la côte ! On s’arrête au premier centre d’accueil où on trouve porte close. La première pièce est bien vide mais il reste encore quelques affaires dans la seconde. On poursuit sur une piste discutable où on se prend un peu pour un 4×4 jusqu’au portail d’entrée. Un nouveau bâtiment vide et fermé nous confirme que la réserve est juste pour nous. Derrière le portail, on aperçoit déjà ces p’tites frimousses qui se dandinent de partout !
On ouvre et referme le portail pour aller se garer un peu plus loin, au départ du sentier. On doit tout de même faire attention pour ne pas rouler sur l’un d’eux tant il y en a qui traversent en plein milieu de la piste ! Après seulement quelques dizaines de mètres, c’est l’autoroute ! Des dizaines de manchots affluent de toutes parts ; certains reviennent de la plage quand d’autres s’y rendent, c’est un véritable chassé croisé !
Au bout, un mirador permet de les observer sur la plage. Ils sont nombreux au bord de l’eau. Certains se lancent dans les vagues déchaînées, on a presque peur qu’elles les ramènent brusquement sur le rivage. Pourtant ce sont d’excellents nageurs, bien moins patauds que sur terre ! Aussitôt dans l’eau, ils disparaissent rapidement au large. Les 2 parents se relaient successivement pour garder les petits et pour partir chasser.




Le sentier qui parcourt la réserve n’est pas très long. Il constitue une boucle qui longe la plage et revient dans l’intérieur des terres, permettant d’observer les nids des volatiles. On comprend alors qu’ils restent dans une certaine zone qui contient des plantes suffisamment hautes pour qu’ils puissent y creuser leur nid en dessous, quasiment un terrier, à l’abri du soleil et de potentiels prédateurs. Les petits sont sortis aux alentours du mois de novembre, ils ont déjà 2 mois et grandissent vite à cette âge-là. Ils portent encore leur duvet soyeux et se replient rapidement derrière leurs parents.



On les reconnaît à leur tête noire cerclée de blanc. Certaines parties de celle-ci sont dépourvues de plumes, un brin rosées. Le manchot de Magellan est l’espèce la plus courante. Ils sont ainsi nommés en hommage à l’explorateur qui les observa lors de sa traversée. Les manchots pondent 2 œufs, ce qui explique qu’on croise souvent 2 petits dans chaque terrier. Le mâle et la femelle se relaient pour les couver puis continueront à tour de rôle à les nourrir après l’éclosion jusqu’à ce que poussent leurs premières plumes, soit plus de 2 mois. Leurs principaux prédateurs viennent de l’océan, l’orque et le phoque. Sur terre, ce sont plutôt les œufs voire les petits qui sont visés par les renards, goélands…

On profite de la soirée et du coucher de soleil sur l’océan avec en fond le bruit des vagues et… des milliers de manchots qui font un raffut par possible. On se dit qu’ils vont sans doute se calmer avec la nuit qui arrive mais non, ils ont l’air particulièrement actifs en fin de journée. Tant pis, on mange et on retourne faire un tour parmi eux, il y a toujours autant de passage !
Celle-là, on ne l’avait pas vu venir. Devinez qui décide de faire l’after sous la voiture à 4h du mat ?
On est d’abord réveillé par de petits bruits provenant de sous la voiture. On croit d’abord à un rongeur. Depuis qu’on a croisé des voyageurs qui ont hébergé une souris pendant quelques temps dans leur van, on devient un peu parano. John se décide enfin à sortir dans le froid, non sans râler, pour découvrir ce qui se trame. Soudain on aperçoit 4 membres du gang de Cap Virgin fuir par derrière le véhicule, abandonnant le cinquième larron à son sort. John fait des tours de la voiture à sa poursuite, mais c’est qu’il cavale le bougre ! Camille observe le spectacle (au chaud) depuis le coffre de la voiture. Il faudra bien 15 minutes pour le déloger de là !
Maintenant retour au lit, alors qu’il fait déjà jour dehors à cette époque de l’année…

Une fois levés, on refait un dernier tour pour profiter de ce beau petit monde, on s’assoit pour boire le maté pendant qu’ils défilent devant nous. Notre ami Diego est un peu trop curieux et s’en rapproche dangereusement jusqu’à l’inévitable accident ! L’affrontement est terrible mais les volatiles remportent la « manche-haut » la main.

Sur le chemin de retour on s’arrête au phare qui marque le départ de la route 40 qui remonte tout le pays jusqu’à la frontière bolivienne. Allez, 4h de cailloux nous attendent pour retrouver la civilisation !

