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La vuelta al Huemul

La « vuelta al huemul » est une boucle de 4 jours depuis El Chalten. Par ses paysages, elle nous rappelle le circuit O du parc Torres del Paine, et complète parfaitement les autres randonnées phares autour de la ville (Fitz Roy, laguna Torre…).

65km, 2600D+
4 jours préconisés, 4 jours effectifs

S’il n’est pas forcément maintenu, il s’agit bien d’un trek officiel du parc Los Glaciares, vous trouverez toutes les informations nécessaires au centre d’accueil à l’entrée de El Chalten. Il faut normalement s’enregistrer en indiquant les dates prévues. Ils vous lanceront également une petite vidéo qui présente le trek et notamment la partie tyrolienne.

Matériel nécessaire (loué à Viento Oeste, après une longue étude de marché) :

  • Bivouac (tente, duvet, réchaud…)
  • Kit de tyrolienne : baudrier, mousqueton acier, mousqueton aluminium, longe et corde 35m (si accompagné)

Difficulté

Difficulté

En comparaison avec le parc Torres del Paine, si la durée est globalement inférieure (surtout par rapport au circuit O), il n’existe pas de refuge, seulement des campements sommaires. Il faut donc porter tout le matériel de bivouac (tente, duvet, matelas…) et les vivres pour la durée du trek. Cela veut aussi dire qu’il n’y a pas de lieu où se réfugier en cas de pépin physique ou d’une météo catastrophique. Les 2 premiers campements ne disposent que d’un abri de fortune.

Il n’y a pas de réseau ni d’habitant dès lors qu’on quitte le village et ce au moins jusqu’à la baie au J4.

El Chalten ne dispose pas d’hôpital ; si un accident devait se produire (mais on ne le souhaite pas), il faudra compter sur de nombreuses heures pour être secouru puis à nouveau plusieurs heures pour être transporté jusqu’à El Calafate.

Les sentiers ne sont pas balisés, le chemin est parfois difficile à suivre, il vaut mieux s’équiper d’une carte ou d’une application mobile disposant du tracé.

Le parcours inclut un passage sur glacier qui n’est jamais sans risque. Un glacier est vivant, vous devez avancer avec prudence et être conscient des risques possibles.

Enfin, nous avons trouvé le parcours plus exigeant physiquement et techniquement. La montée au deuxième jour est longue et éprouvante, quand la grande descente à la laguna de los Tempanos le jour suivant vous vaudra des cauchemars pour plusieurs années.

Le temps en Patagonie, vous le savez maintenant, est imprévisible et le vent peut devenir particulièrement violent notamment sur certains passages. On recommande une bonne plage météo à minima sur les 2 jours intermédiaires (J2 et J3) qui sont les plus compliqués et les plus beaux. Si on ne dispose que d’un seul jour correct, on pourra toujours doubler ces 2 étapes au prix d’une sacrée journée.

Récit

Pour notre part, on s’imagine bien passer Noël là-bas, loin de tout. On décrypte la météo sur Windguru. Elle semble peu reluisante le lendemain mais quasiment parfaite les jours suivants. On fait le choix de sacrifier en partie la première journée où l’on partira tôt et qui n’est pas la plus impressionnante.

J1 : El Chalten => Laguna Toro

Lever 6h, départ 7h pétantes. Il fait bon, pas encore de pluie, on peut finir les sacs tranquillement. Le côté positif, c’est qu’on a juste la route à traverser pour parvenir au centre de visiteurs, point de départ du trek. On aperçoit la cabane des rangers au bord du sentier, personne évidemment à cette heure. On prend quand même une photo et on s’éloigne suffisamment pour se mettre à l’abri. Dernier check des affaires, derniers messages avant plusieurs jours. On est le 22 décembre, en France tout le monde se prépare pour les fêtes.

Allez c’est parti. Derrière, d’autres groupes prennent également le départ, on les reconnaît à leur sac chargé pour plusieurs jours, souvent la corde et le baudrier attachés à l’extérieur. On monte progressivement, à travers bois et prairies. A l’intersection avec le sentier de la Loma del Pliegue Tumbado, on prend la direction de la laguna Toro. On ne reverra plus vraiment de balisage jusqu’à la fin du trek ni de panneaux autres que pour indiquer les lieux de campement. De là-haut, on aperçoit la vallée dans laquelle on passera la nuit. Des bruits de bêtes résonnent, on espère enfin un huemul, ce cervidé endémique de Patagonie (c’est quand même pour lui cette vuelta !), mais de loin ça ressemble quand même sacrément à une vache. Dans le doute on dira que c’était 2 huemuls en pleins ébats, nos premiers !

On descend dans la vallée en profitant du beau glacier face à nous. La suite sera entièrement plane, la vallée est parcourue de nombreux cours d’eau qui détrempent le sol. Quelques passages de rivières qui ne nécessitent pas de traversée à pied, un peu de boue, sans doute bien moins qu’à d’autres époques. On parvient les premiers au campement à 11h30, l’embarras du choix pour s’installer. Les spots sont définis par des abris faits d’un empilement de branches, plus ou moins protégés, spacieux ou plats. On fait le tour du propriétaire. Trop penché, trop de racines, trop de cailloux, trop petit, on se permet d’être exigeant, faut bien s’occuper. On finit par poser la tente dans le plus grand espace au beau milieu du campement.
Un panneau semble indiquer des toilettes qu’on ne trouvera jamais, un mini-abri de fortune est présent en cas de nécessité, mais ne pas espérer y tenir à 10. On récupère l’eau directement depuis la rivière ; elle est assez chargée en sédiments (blanchâtre) mais parfaitement potable, « agua es pura » comme le dit le panneau.
Casse-croûte rapide tandis que la pluie commence. On s’abrite mais elle commence à se faire plus dense et on se rafraîchit maintenant qu’on ne marche plus. Les premiers randonneurs commencent à arriver. On se réfugie dans la tente dont on ne ressortira qu’après de longues heures de pluie. Le soir, on redécouvre le campement où les tentes ont poussé comme des champignons, certains arrivent à la tombée de la nuit. Il y a quelques américains, suisses, allemands et surtout beaucoup d’israéliens, comme à Torres del Paine.

J2 : Laguna Toro => Campo del viento

La nuit a été fraîche et venteuse, on veut démarrer vite pour ne pas trop attendre à la tyrolienne, mais on n’est guère organisé et plusieurs groupes nous précèdent déjà. On commence à suivre la laguna Toro (ou Tunel), le décor, minéral, est déjà superbe. On suit les cairns mais le chemin n’est pas forcément évident. Lorsqu’on parvient à la tyrolienne, 10 personnes attendent déjà. D’autres sont moins patients et traversent la rivière pieds nus. Elle n’est pas si haute à cette période mais terriblement froide. De leurs propres mots, si la traversée avait été plus longue ils auraient sans doute fait demi-tour. Nous on a loué le matos, par principe on va l’utiliser. On attendra bien une heure que tout le monde soit passé. Disons que ça permet d’observer comment ils procèdent.

La vidéo au centre de visiteurs ne montre pas exactement comment utiliser le matériel, elle précise juste que le mousqueton acier doit être placé sur le câble et celui en aluminium sur la poulie. Quant au magasin qui nous a loué le matériel, ils ont commencé à nous dire qu’ils ne le louaient qu’à des personnes expérimentées. Forcément quand on nous a demandé si on l’était, on a acquiescé l’air serein. Ils feraient mieux d’user d’un peu de pédagogie !
En soit ce n’est pas compliqué, mais on a toujours un doute quand on n’est pas pratiquant. On ne comprenait pas toujours pourquoi les blogs mentionnaient de passer sans le sac à la première, avec le sac à la seconde. Le câble serait moins solide ? Faut-il passer seul puis que quelqu’un nous envoie le sac dans un deuxième temps ? Comment procéder si on n’est pas accompagné ? En fait on passe avec le sac, mais pas forcément sur le dos. A cette première tyrolienne, il semble plus pratique de ne pas le porter sur soi.

On commence par mettre le baudrier et on fixe le mousqueton (acier) sur le câble puis on peut se sécuriser en reliant le baudrier au mousqueton (acier) via la longe / ligne de vie (‘fin la p’tite corde quoi). On accroche ensuite le sac au mousqueton (acier) et on peut alors utiliser le mousqueton d’aluminium entre le baudrier et la poulie. Toujours demander confirmation à la personne suivante si vous avez un doute.

La partie relou, c’est de récupérer la poulie si par malheur elle est de l’autre côté. Il faut se fixer au câble avec le mousqueton d’acier et se glisser jusqu’à celle-ci à la force des mains, afin de la ramener au départ pour prendre le sac puis la transmettre aux personnes suivantes. En cas de doute, attendez qu’un autre groupe s’en occupe.
Une fois que la poulie est récupérée, on accroche la cordelette de X mètres à la poulie et à une fixation quelconque pour que le suivant puisse la tirer à lui. Si vous êtes seul, pas forcément besoin de cordelette, vous pouvez demander à la personne précédente de la laisser, vous économiserez quelques euros.

Plus d’une heure s’est écoulée, c’est enfin reparti sur le sentier et ça grimpe ! En face on découvre l’immense glacier Rio Tunel qui s’écoule de la montagne. Le chemin devient très rocailleux et on plonge vers le glacier. On le suit dans un premier temps puis on perd un peu la trace. Passerait-on sur le glacier ? C’est en tout cas ce que les topos semblent indiquer. Il est sans doute possible de continuer dans la caillasse mais ce n’est pas toujours évident. Allez on se lance, pas forcément sûrs de nous. Un glacier reste un élément vivant, muable, qui gronde fréquemment. On aperçoit quelques crevasses, de l’eau ruisselle sous la glace. Le cheminement se fait aisément sur la moraine (mélange de glace et de sédiments) et on prend vite nos marques, presque trop confiants. C’est un sentiment formidable.

La sortie n’est pas évidente, on ne discerne guère le sentier et le sol, fait de sable et de cailloux, se dérobe sous nos pas. La suite sera longue et tortueuse, la montée au col concentrant tout le dénivelé de la journée. On croise un campement sommaire, très exposé mais avec des vues exceptionnelles sur le glacier. On perd ensuite le chemin à plusieurs reprises, les cairns n’indiquent pas tous la même direction. Et bien sûr le vent, toujours le vent. Dire que les conditions météos sont quasi parfaites… On n’imagine pas en cas de tempête.

Camille souffre dans l’ascension, bien plus que pendant le trek de Torres. Mais les vues là-haut vont bien au-delà de nos maux. Déjà le glacier Rio Tunel, qu’on aura admiré toute la première partie de journée, et qui scintille au soleil. Et un peu plus loin, après le passage du paso del viento, dont on vous laissera deviner l’origine du nom, le glacier Viedma se découvre. Démesuré, c’est le premier mot qui nous vient à l’esprit. Plus grand encore que le glacier Grey, le Viedma est le 2ème plus grand glacier de l’hémisphère sud, si on excepte l’Antarctique. Il est sillonné de traînées de sédiments qui témoignent des mouvements du glacier sur plusieurs millénaires. D’ailleurs c’est ici que débute la vuelta al hiello, un trek de plusieurs jours sur le glacier. Un guide est certainement requis, et un sacré budget, mais quelle aventure cela doit être !

Bref, redescente un peu escarpée sur les bords du glacier, séparés par de hautes collines de rochers, sans doute formées par l’avancée du glacier. La fin de journée est assez roulante jusqu’au campement au bord d’une petite lagune et au pied d’une de ces collines de rochers. Parvenus parmi les premiers, on trouve aisément un bon spot sur de l’herbe. Et là, surprise, on se rend compte qu’on a oublié les sardines au précédent campement ! On reste de longues minutes bêtement assis devant la toile, c’était bien l’endroit pour les oublier tiens ! En plus elle n’est pas autoportante, on utilise quelques pierres pour la faire tenir mais c’est un équilibre précaire. Heureusement les autres randonneurs nous prêteront chacun quelques sardines de rechange pour qu’on puisse la faire tenir.

J3 : Campo del Viento => Bahia de los tempanos

La tente a tenu le coup, les sardines auront joué leur rôle. Ce matin on continue de suivre le Viedma et on s’extasie toujours plus à chaque vue. On aperçoit une petite baie d’icebergs et au loin la fin du glacier.

La montée au col Huemul est rude mais bien moins que la veille. Une fois parvenus, on pose les sacs et on prend le chemin du mirador. Le détour prend bien 45 minutes mais ce serait dommage de le manquer, tant il offre des vues formidables. Quelques cairns marquent parfois le chemin mais il vaut mieux recourir à un topo. Après le replat, le chemin passe du côté droit et offre peut-être la plus belle vue sur la mer de glace du Viedma. Ensuite on monte, toujours plus haut, jusqu’à observer l’embouchure du glacier d’un côté, le lac Viedma de l’autre, et la baie des icebergs où l’on dormira ce soir. Là-haut ça souffle comme pas possible, on pourrait s’envoler.

On revient sur nos pas et entame la périlleuse descente jusqu’au bord du lac. On regrette vite de ne pas avoir déjeuné au col, nous n’en aurons plus l’occasion. Le sentier passe au travers des bosquets et plonge sérieusement vers le bas. Une couche de terre/poussière recouvre le sol, et avec la pente le rend extrêmement glissant. Camille se remercie d’avoir racheté des bâtons après les avoir oubliés sur le parking de Torres, John de son côté s’agrippe aux arbres pour se maintenir debout. 2 écoles. Heureusement la dernière partie est équipée de quelques rares cordes fixes. Si la descente est très casse-gueule, cela doit être également sacrément éprouvant à monter en sens inverse. Dans tous les cas, on souhaite bien du courage à ceux qui s’y aventureront !

On arrive enfin au campement, soulagés de ne pas avoir chuté, tout le monde n’a pas eu notre chance. Le campement à travers les bois n’offre pas pléthore de spots définis, on saisit le nôtre rapidement. A quelques mètres, une plage de rochers donne sur les icebergs à quelques dizaines de mètres à peine. Au loin, on aperçoit même la fin du glacier Viedma. On passera l’après-midi à écouter les craquements de la glace. Parfois un bloc se détache et provoque le pivotement de l’iceberg. La glace immergée est cristalline, presque parfaite, puis prend peu à peu la forme blanche-bleutée que nous connaissons au contact de l’air. On réveillonnera comme il se doit sur la plage, petit Malbec et revisite non homologuée de la truffade auvergnate, avec des arepas et du queso cremoso.

Bien des randonneurs parviennent tardivement au campement. Certains ont doublé les 2 étapes précédentes, d’autres font seulement l’aller-retour d’El Chalten pour l’occasion. Tous s’efforcent de trouver un morceau de sol pour y planter la tente, ça débroussaille à tout va. Ils ont réussi à caler 2 tentes au bord de la nôtre. Si on aurait préféré rester tranquillement dans notre coin (d’autant qu’ils se lèveront bruyamment pour le lever de soleil), on salue leur capacité à poser autant de tente dans un espace si réduit.

J4 : Bahia de los tempanos => El Chalten

Se réveiller dans une baie d’icebergs, à souhaiter joyeux Noël dans au moins 3 langues différentes… Check. On déjeune paisiblement sur la plage et on profite d’un moment suspendu. Mais l’itinéraire du jour est long, pour être honnête on est pressés d’arriver. C’est très roulant, un peu vallonné, on profite des superbes vues sur le lac Viedma.

A l’arrivée à la tyrolienne, la poulie est de l’autre côté et impossible de franchir à pied. On laisse passer l’autre groupe, accompagné du guide qui va lui-même la récupérer. Il accroche directement le mousqueton d’acier sur la poulie, on supposera donc que c’est la bonne chose à faire. Puis tandis que son groupe lui renvoie le baudrier, il fait le malin en reproduisant plutôt un baudrier avec sa corde. Ça prendra bien 10 minutes, alors que beaucoup attendent leur tour. La tyrolienne est plus longue cette fois-ci et 2 plateformes existent au départ et à l’arrivée. On peut garder le sac sur son dos, on se contente d’accrocher le mousqueton d’acier à la poulie (ou les 2 mousquetons au câble et à la poulie comme la première fois) et on se laisse aisément glisser.

A l’arrivée à la baie, certains ont un transport qui les attend et d’autres commencent à suivre la piste qui ramène à la route principale. Nous suivons le sentier qui lui traverse la pampa jusqu’à l’entrée d’El Chalten. Il fait terriblement chaud pour un 25 décembre, le vent est violent, les taons font leur apparition. Camille a la plante des pieds brûlée, à vif. Les derniers kilomètres seront un vrai calvaire. Les topos indiquent que le sentier revient au centre de visiteurs en passant par le Mirador de los Condores. On ne souhaite pas prendre ce chemin pour ne pas payer au retour, mais en réalité on ne l’a même pas trouvé. Il semble passer au travers d’une estancia privée. Devant celle-ci, un panneau indique de continuer en direction du mirador, on arrivera finalement à la route principale après avoir franchi des barbelés. Plus qu’un peu de bitume pour retrouver notre van. Au loin, le Fitz Roy nous attend déjà.

Le soir, attablés devant une bière amplement méritée, on croisera les Haricots en vadrouille, une famille avec qui on avait sympathisé à Ushuaia. Ça y est, on peut fêter Noël en famille.

Bilan

Une vraie alternative au parc chilien Torres del Paine. Glaciers, lagunes, mer de glace… On en a pris plein les yeux. A ne manquer sous aucun prétexte !
Ne pas non plus sous-estimer le trek, que l’on a trouvé bien plus isolé et exigeant que son homologue. Attention également aux conditions météo qui peuvent varier rapidement et rendre l’expérience insurmontable.

Si on excepte le coût de l’entrée au parc (voir El Chalten, les cabanes de la discorde), nous aurons simplement payé la location du matériel : 38000 pesos (soit ~35€).

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